Mairie de Castifao

Casa Cumuna

Prier : deux églises baroques

Deux églises baroques se dressent à Castifao. Toutes deux relèvent du style baroque mais diffèrent dans leur déploiement, dans leur signification, dans l’histoire de leur architecture… 

Ainsi, San Nicolau, église paroissiale héritière de la « parocchia » qui fédéra les « ville » de e Piazze, de a Paganosa, de a Petrera… est implantée au cœur du village auprès de la place commune. Elle s’est développée au cour des siècles et relève d’un processus qui repose sur la transformation d’un lieu de culte antérieur, certainement une église romane, en une église à nef unique prolongée au-delà de la nef initiale dans des proportions beaucoup plus amples. Les spécialistes parlent d’un exemple de plan « all anticha » où les formes romanes et baroques se combinent. Cette modalité architecturale qui procède d’une adaptation et d’une extension explique en grande partie la modestie de l’apparence extérieure du bâtiment. Cette absence de grandiloquence extérieure contraste avec la richesse des décors intérieurs où se déploient l’ensemble du lexique des formes baroques, jusqu’à des statues cariatides qui encadrent l’autel majeur…

L’église baroque du Couvent San Francesco di Caccia (1510). Celle dont la sacristie reçut la « Cunsulta » d’avril 1756, où se discuta la question de la représentation politique dans le gouvernement de l’île. Bel exemple de construction contemporaine des « Révolutions de Corse », cette église traduit la vitalité de la communauté franciscaine, celle du sentiment religieux des populations rurales, dit sur les sensibilités esthétiques au XVIII° siècle. Une dizaine d’années (1750-1760) reste nécessaire pour achever ce bâtiment d’une superficie de 420 m2, sur un plan « alla moderna »(ex-nihilo). 

Sous la direction de Matteo Cane, maître d’œuvre bastiais, sa façade exprime tous les éléments du discours baroque : fronton interrompu, soutenu par des entablements ; fenêtre pendante, encadrée par deux niches et appuyée sur un attique qui annonce une corniche, soulignée par des frises, des pilastres dosserets ; médaillon fermé (niche). L’architecture saisit les cieux : Pasquale de Paoli, qui, maintes fois, fit halte au couvent de Caccia, ses visiteurs, ses compagnons, les voyageurs de l’époque virent « monter » ce bâtiment qui, sur une hauteur d’une vingtaine de mètres, déploie la rythmique baroque dans un discours de l’élévation.

Alors, cette église abrite un orgue. Fabriqué en 1758 par Giuseppe Lazari, facteur milanais, l’instrument libérait un son incertain, brut, amplifié par la voute haute, la musique dans un discours de l’émotion. L’itinéraire de Lazzeri le démontre : Castifau voisine avec des lieux prestigieux de l’art baroque en Corse. Ce lieu symbolise des échanges humains tressés entre Moltifau et Castifau. Ainsi, Moltifau, historiquement rattachée au couvent, lequel se pose désormais comme «un lieu emblème» du village, l’expérience du lieu par les gens de Moltifau appartient à leur imaginaire collectif. Il en va ainsi pour ceux de Castifau qui entretiennent avec ce site une relation forte : lieu d’histoire, lieu de culte, lieu de sociabilité, laboratoire politique, le Couvent délimite aussi le « campu santu » des castifinchi, lieu sacré, chargé de liens puissants et mystérieux, ceux de la mort et de la vie…

Aujourd’hui, le fronton de ce bâtiment classé Monument Historique (1979) menace de tomber, et d’emporter dans sa chute, l’ensemble, comme château de cartes. Comment laisser choir une pièce indispensable à la compréhension du système anthropologique, historique, géopolitique, de l’île, un point incontournable d’une armature culturelle insulaire discrète, forte, résistante, un élément patrimonial au sens le plus fort ?